Titre : | Chemins de l'éducatif | Type de document : | texte imprimé | Auteurs : | François Hebert (1949-....), Auteur ; Paul FUSTIER, Préfacier, etc. | Mention d'édition : | 2e édition | Année de publication : | 2014 | Importance : | 1 vol. (468 p.) | Format : | 24 cm | ISBN/ISSN/EAN : | 978-2-10-070990-8 | Note générale : | Que font au juste les éducateurs ? Si nos objectifs et nos tâches font l'objet d'un large consensus (protéger, aider, encourager l'autonomie...), nos pratiques concrètes restent largement dispersées et invisibles. Les théories parlent plus de nos publics, que de nos stratégies et de nos petites tactiques, de ce qu'au final nous choisissons de dire ou de faire.
Ce livre invite à repartir de récits de «moments éducatifs». Il s'agit d'exemples précis de détours, qu'un éducateur a osé accomplir, pour sortir de l'impasse où mènent souvent nos intentions directes envers autrui. Commence alors un retour vers le lieu de l'éducatif, où espaces, objets, jeux, activités, attitudes, etc. - choisis délibérément - autorisent une expérience neuve dans le rapport au monde et aux autres. C'est le plaisir, de faire, de créer, d'échanger qui est ici moteur.
L'auteur propose un repérage de ces moments éducatifs, comme autant de points de départ possibles pour aborder une situation fermée. Il s'agit, plus largement, d'ouvrir un champ commun de recherche qui concerne tous les professionnels dont le métier est d'accompagner la personne pour qu'elle trouve sa route.
Nouvelle édition entièrement revue par l'auteur et enrichie d'une préface de Paul Fustier.
FRANÇOIS HÉBERT
Formateur à l'IRTS Paris Île-de-France, docteur en linguistique, formé aux pédagogies nouvelles, à l'écoute centrée sur la personne et aux ateliers d'écriture d'Elisabeth Bing, il est également l'auteur de Rencontrer l'autiste et le psychotique. | Langues : | Français | Catégories : | Accompagnement Educateur Educateur spécialisé Philosophie Pratique Travail social
| Index. décimale : | 371.9 | Note de contenu : | Extrait de l'introduction
CORALIE, jeune femme handicapée mentale, épuise par son admiration débordante et ses provocations diverses son éducatrice qui, lasse de tenter de mettre de la distance, lui propose de refaire avec elle la tapisserie de sa chambre, puis une séance d'épilation : elles échangent et s'amusent ensemble pour la première fois ; Sabrina, une enfant silencieuse sur sa mère partie à l'étranger, a des poux sur la tête : l'éducateur reprend la technique qu'utilisait la mère, l'enfant s'ouvre enfin et parle, parle... ; ce dimanche-là, les adolescentes refusent toutes les activités qu'on leur propose : l'éducatrice s'occupe dans son coin à faire de la terre et bientôt Sandra et ses complices s'y mettent, dans un climat serein ; les visites médiatisées entre Madame T. et ses enfants sont catastrophiques : la fois suivante, rendez-vous au fast-food, et c'est une petite famille heureuse que l'éducatrice, médusée, découvre ici ; Aziz a cassé, insulté et, puni, s'enfuit dans le parc où il est poursuivi par l'éducateur, qui le dépasse, se retourne et l'invite à continuer avec lui ce qu'il appelle «le jogging» : les voilà qui courent côte à côte...
Depuis une place de formateur, je ne cesse de m'étonner de ces moments où l'on voit une activité banale ou une simple attitude ouvrir une situation fermée. Je reviendrai sur ces histoires : la relation s'apaisera durablement avec Coralie ; Sabrina retrouvera sa mère ; Sandra organisera elle-même un atelier terre ; les enfants de Madame T. supporteront mieux la séparation ; sur le retour, le petit fugueur dira des choses essentielles... À chaque fois une initiative ponctuelle a suscité un effet énigmatique. «L'éducatif, personne ne sait vraiment ce que c'est», me dit un jour une formatrice.
Certes, à un niveau général, notre tâche est claire : nous sommes là pour favoriser l'autonomie, la socialisation, l'épanouissement de personnes qui ont des difficultés singulières. Le projet d'une institution s'exprime souvent en ces termes. On s'y réfère parfois à une théorie, mais il est rare que celle-ci détermine une pratique spécifique. Comment les principes généraux annoncés se traduisent-ils dans la rencontre effective ? Quelles priorités, quelle hiérarchie entre eux ? L'autonomie ou l'insertion sont-elles les conditions de l'épanouissement ou est-ce l'inverse ? «Le premier outil de l'éducateur, c'est lui-même», dit-on volontiers. Nos qualités relationnelles sont bien sûr importantes dans cette affaire. Mais la seule question est-elle celle de la «relation éducative» et de ses enjeux affectifs, notre seul savoir un savoir sur nos publics et leurs «problèmes» ? Doit-on renoncer à théoriser l'action éducative elle-même, ses choix et ses outils propres ?
Notre présence ici a quelque chose d'incongru. Nous nous occupons des autres, en l'occurrence de personnes qui, pour des raisons physiques, psychologiques, sociales, sont sortis des chemins ordinaires de la vie. Nous faisons de fait irruption dans des destins qui nous sont étrangers. Violence nécessaire. Mais certains refusent cela même qui nous semble leur intérêt : cet adolescent s'enfonce dans la transgression, ce SDF fuit nos propositions raisonnables, ce parent ne vient pas au rendez-vous... Protéger, donner des limites, transmettre, aider, encourager l'autonomie ou l'insertion, tout cela restera toujours le sens premier de notre travail. Mais nos meilleures intentions peuvent susciter des résistances obscures ou d'énigmatiques malentendus. C'est plus particulièrement sur les façons de dépasser les impasses du direct quand il conduit au frontal, qu'on va se centrer ici : ce qu'on peut appeler des stratégies du détour :
(...) |
Chemins de l'éducatif [texte imprimé] / François Hebert (1949-....), Auteur ; Paul FUSTIER, Préfacier, etc. . - 2e édition . - 2014 . - 1 vol. (468 p.) ; 24 cm. ISBN : 978-2-10-070990-8 Que font au juste les éducateurs ? Si nos objectifs et nos tâches font l'objet d'un large consensus (protéger, aider, encourager l'autonomie...), nos pratiques concrètes restent largement dispersées et invisibles. Les théories parlent plus de nos publics, que de nos stratégies et de nos petites tactiques, de ce qu'au final nous choisissons de dire ou de faire.
Ce livre invite à repartir de récits de «moments éducatifs». Il s'agit d'exemples précis de détours, qu'un éducateur a osé accomplir, pour sortir de l'impasse où mènent souvent nos intentions directes envers autrui. Commence alors un retour vers le lieu de l'éducatif, où espaces, objets, jeux, activités, attitudes, etc. - choisis délibérément - autorisent une expérience neuve dans le rapport au monde et aux autres. C'est le plaisir, de faire, de créer, d'échanger qui est ici moteur.
L'auteur propose un repérage de ces moments éducatifs, comme autant de points de départ possibles pour aborder une situation fermée. Il s'agit, plus largement, d'ouvrir un champ commun de recherche qui concerne tous les professionnels dont le métier est d'accompagner la personne pour qu'elle trouve sa route.
Nouvelle édition entièrement revue par l'auteur et enrichie d'une préface de Paul Fustier.
FRANÇOIS HÉBERT
Formateur à l'IRTS Paris Île-de-France, docteur en linguistique, formé aux pédagogies nouvelles, à l'écoute centrée sur la personne et aux ateliers d'écriture d'Elisabeth Bing, il est également l'auteur de Rencontrer l'autiste et le psychotique. Langues : Français Catégories : | Accompagnement Educateur Educateur spécialisé Philosophie Pratique Travail social
| Index. décimale : | 371.9 | Note de contenu : | Extrait de l'introduction
CORALIE, jeune femme handicapée mentale, épuise par son admiration débordante et ses provocations diverses son éducatrice qui, lasse de tenter de mettre de la distance, lui propose de refaire avec elle la tapisserie de sa chambre, puis une séance d'épilation : elles échangent et s'amusent ensemble pour la première fois ; Sabrina, une enfant silencieuse sur sa mère partie à l'étranger, a des poux sur la tête : l'éducateur reprend la technique qu'utilisait la mère, l'enfant s'ouvre enfin et parle, parle... ; ce dimanche-là, les adolescentes refusent toutes les activités qu'on leur propose : l'éducatrice s'occupe dans son coin à faire de la terre et bientôt Sandra et ses complices s'y mettent, dans un climat serein ; les visites médiatisées entre Madame T. et ses enfants sont catastrophiques : la fois suivante, rendez-vous au fast-food, et c'est une petite famille heureuse que l'éducatrice, médusée, découvre ici ; Aziz a cassé, insulté et, puni, s'enfuit dans le parc où il est poursuivi par l'éducateur, qui le dépasse, se retourne et l'invite à continuer avec lui ce qu'il appelle «le jogging» : les voilà qui courent côte à côte...
Depuis une place de formateur, je ne cesse de m'étonner de ces moments où l'on voit une activité banale ou une simple attitude ouvrir une situation fermée. Je reviendrai sur ces histoires : la relation s'apaisera durablement avec Coralie ; Sabrina retrouvera sa mère ; Sandra organisera elle-même un atelier terre ; les enfants de Madame T. supporteront mieux la séparation ; sur le retour, le petit fugueur dira des choses essentielles... À chaque fois une initiative ponctuelle a suscité un effet énigmatique. «L'éducatif, personne ne sait vraiment ce que c'est», me dit un jour une formatrice.
Certes, à un niveau général, notre tâche est claire : nous sommes là pour favoriser l'autonomie, la socialisation, l'épanouissement de personnes qui ont des difficultés singulières. Le projet d'une institution s'exprime souvent en ces termes. On s'y réfère parfois à une théorie, mais il est rare que celle-ci détermine une pratique spécifique. Comment les principes généraux annoncés se traduisent-ils dans la rencontre effective ? Quelles priorités, quelle hiérarchie entre eux ? L'autonomie ou l'insertion sont-elles les conditions de l'épanouissement ou est-ce l'inverse ? «Le premier outil de l'éducateur, c'est lui-même», dit-on volontiers. Nos qualités relationnelles sont bien sûr importantes dans cette affaire. Mais la seule question est-elle celle de la «relation éducative» et de ses enjeux affectifs, notre seul savoir un savoir sur nos publics et leurs «problèmes» ? Doit-on renoncer à théoriser l'action éducative elle-même, ses choix et ses outils propres ?
Notre présence ici a quelque chose d'incongru. Nous nous occupons des autres, en l'occurrence de personnes qui, pour des raisons physiques, psychologiques, sociales, sont sortis des chemins ordinaires de la vie. Nous faisons de fait irruption dans des destins qui nous sont étrangers. Violence nécessaire. Mais certains refusent cela même qui nous semble leur intérêt : cet adolescent s'enfonce dans la transgression, ce SDF fuit nos propositions raisonnables, ce parent ne vient pas au rendez-vous... Protéger, donner des limites, transmettre, aider, encourager l'autonomie ou l'insertion, tout cela restera toujours le sens premier de notre travail. Mais nos meilleures intentions peuvent susciter des résistances obscures ou d'énigmatiques malentendus. C'est plus particulièrement sur les façons de dépasser les impasses du direct quand il conduit au frontal, qu'on va se centrer ici : ce qu'on peut appeler des stratégies du détour :
(...) |
|  |