Titre : | CIORAN ?uvres | Type de document : | texte imprimé | Auteurs : | Emil CIORAN | Année de publication : | 1993 | Importance : | 1820 | ISBN/ISSN/EAN : | 978-2-07-074166-3 | Langues : | Français | Catégories : | Linguistique Philosophie
| Mots-clés : | Philosophie Linguistique | Résumé : | L'?uvre de Cioran comporte des recueils d'aphorismes, ironiques, sceptiques et percutants, tel De l'inconvénient d'être né ou Syllogismes de l'amertume qui forment ses ?uvres les plus connues, mais on peut aussi y trouver des textes plus longs et plus détaillés. D'une façon générale, l'?uvre de Cioran est marquée par son refus de tout système philosophique. Son scepticisme est probablement son caractère le plus marquant, bien plus que son pessimisme. Cioran, dont les écrits sont assez sombres, est un homme de très bonne compagnie, plutôt gai. Il déclare avoir passé sa vie à recommander le suicide par écrit, et à le déconseiller en paroles, car dans le premier cas cela relève du monde des idées, alors que dans le second il a en face de lui un être de chair et de sang. Tout en conseillant et déconseillant le suicide, il affirme qu'il existe une supériorité de la vie face à la mort : celle de l'incertitude. La vie, la grande inconnue, n'est fondée sur rien de compréhensible, et ne donne pas l'ombre d'un argument. Au contraire, la mort, elle, est claire et certaine. D'après Cioran, seul le mystère de la vie est une raison de vivre. On peut accuser Cioran d'avoir pris dans ses écrits une « pose » de désespoir, mais il semble avoir été profondément et sincèrement triste de n'avoir pu établir de système qui donnerait un sens à sa vie, alors même que dans sa jeunesse il avait été extrêmement passionné... mais dans l'erreur (cf. les Cimes du désespoir). Le cheminement littéraire de Cioran et son trajet spirituel ont, semble-t-il, trois points de repère majeurs (selon Liliana Nicorescu) : « la tentation d'exister », la tentation d'être Roumain, et la tentation d'être juif. Ni sa roumanité réfutée ni sa judéité manquée ne pouvaient lui offrir la moindre consolation pour l'humiliation, pour « l'inconvénient d'être né ». Le salut par l'esthétique Confronté à la pensée de la lucidité, au reniement permanent, Cioran trouve un sursis dans la voie esthétique. Il reprend clairement le thème de l'illusion vitale (Nietzsche). L'attention au style de son écriture, le goût prononcé pour la prose et les aphorismes deviennent, par exemple, des moteurs assurant sa vitalité. Il s'éloigne des idées, perdant parfois son lecteur, ou plutôt l'obligeant à ne pas tout comprendre. La poésie devient autant un moyen de traduire sa pensée qu'un remède temporaire face à la lucidité. « Elle a ? comme la vie ? l'excuse de ne rien prouver. » Tentative qu'il juge honteuse, trop vivifiante, détestable parfois, Cioran s'y laisse pourtant conduire. Il accepte ce paradoxe de sa pensée, comme d'autres. Lucide, il perçoit aussi l'imposture du nihiliste qui est encore vivant : « Exister équivaut à un acte de foi, à une protestation contre la vérité ». Si Cioran doit survivre aux vérités irrespirables, s'il est donc obligé de croire en quelque chose, il choisit délibérément l'art, l'illusion reine. Pour échapper à la mort et au vide, qu'il entrevoit autour de lui, comme une « porte de secours », il choisit l'écriture. Semblable à la figure moderne de l'artiste maudit, auteur peu lu et presque inconnu de son vivant ? malgré l'estime du milieu littéraire ? Cioran continuera inlassablement d'écrire. Sa philosophie est une « philosophie du voyeur », car, peut-être, esthétiquement salvatrice, selon la définition de Rossano Pecoraro dans La filosofia del voyeur. Estasi e Scritura in Emile Cioran. L'ascétisme parisien À Paris, Cioran vécut d'abord à l'hôtel Marignan, au 13 de la rue Du Sommerard, dans le 5e arrondissement. C'est dans le quartier latin et le quartier de La Sorbonne qu'il va rester jusqu'à sa mort. Dans ses écrits, il relate ses longues nuits de solitude et d'insomnies, dans de minuscules chambres d'hôtel et ses déambulations dans la nuit. Puis plus tard, ses chambres de bonne, unique tour d'ivoire pendant de longues années. Il reste pauvre, décidé à « ne jamais travailler autrement que la plume à la main ». Alors il se promène simplement au jardin du Luxembourg. Il bénéficie parfois de l'aide matérielle de rares amis, mais prend ses repas au restaurant universitaire, dont l'exclusion vers l'âge de 40 ans est l'un des moments les plus tragiques de son existence. Ces détails sur son quotidien traversent son ?uvre et son discours. Mais Cioran n'explore nullement l'aspect sordide dans cette condition. Il décrit simplement une sorte de cheminement ou de combat, qui s'établit autant dans ses écrits que dans son existence : un « état d'esprit ». Pour Cioran, il ne s'agit plus seulement de savoir ? à l'identique du professeur d'université ? mais surtout de sentir. Dans la solitude, le dénuement matériel et son retrait des divertissements modernes s'établit alors une démarche philosophique ? spirituelle ? comparable aux ascétismes prônés par le bouddhisme[6], les Cyniques ou Diogène de Sinope[7]. Le mythe Cioran Si Cioran vécut véritablement la plus grande partie de son existence modestement, cet autoportrait de solitaire et désespéré qu'il dresse dans ses livres ne correspond pas entièrement à l'écrivain ; c'est plutôt là le mythe Cioran, le personnage des livres. Mais parler de « pose » dans le désespoir serait inexact. Cioran cherche la sincérité dans ses textes, c?est-à-dire l'adéquation de son discours avec son existence, et critique vivement les auteurs de discours moralistes menant par ailleurs une existence immorale, tels ces membres du PCF parisien qui prônent la « dictature du prolétariat » mais vivent très bourgeoisement et défendent bec et ongles leurs propriétés intellectuelles ou matérielles. Il dira ne vouloir garder secrète que sa vie privée : sa vie amoureuse, la part heureuse et optimiste de son existence. Car « le bonheur n'est pas fait pour les livres », expliquait-il. Se tenant à l'écart du milieu universitaire et littéraire parisien, il eut néanmoins quelques amis intimes avec qui il aimait converser : Mircea Eliade, Eugène Ionesco, Samuel Beckett, Constantin Tacou, Fernando Savater, Gabriel Matzneff, Frédérick Tristan, Roland Jaccard, Vincent La Soudière. Sur les cimes du désespoir - Le Livre des leurres - Des larmes et des saints - Le Crépuscule des pensées - Bréviaire des vaincus - Précis de décomposition - Syllogismes de l'amertume - La Tentation d'exister - Histoire et utopie - La Chute dans le temps - Le Mauvais Démiurge - De l'inconvénient d'être né - Écartèlement - Exercices d'admiration - Aveux et anathèmes - Glossaire [1995]. Les cinq premières ?uvres sont traduites du roumain par Thomas Bazin, Christiane Frémont, Grazyna Klewek, Alain Paruit, Mirella Patureau-Nedelco, Sanda Stolojan et André Vornic . |
CIORAN ?uvres [texte imprimé] / Emil CIORAN . - 1993 . - 1820. ISBN : 978-2-07-074166-3 Langues : Français Catégories : | Linguistique Philosophie
| Mots-clés : | Philosophie Linguistique | Résumé : | L'?uvre de Cioran comporte des recueils d'aphorismes, ironiques, sceptiques et percutants, tel De l'inconvénient d'être né ou Syllogismes de l'amertume qui forment ses ?uvres les plus connues, mais on peut aussi y trouver des textes plus longs et plus détaillés. D'une façon générale, l'?uvre de Cioran est marquée par son refus de tout système philosophique. Son scepticisme est probablement son caractère le plus marquant, bien plus que son pessimisme. Cioran, dont les écrits sont assez sombres, est un homme de très bonne compagnie, plutôt gai. Il déclare avoir passé sa vie à recommander le suicide par écrit, et à le déconseiller en paroles, car dans le premier cas cela relève du monde des idées, alors que dans le second il a en face de lui un être de chair et de sang. Tout en conseillant et déconseillant le suicide, il affirme qu'il existe une supériorité de la vie face à la mort : celle de l'incertitude. La vie, la grande inconnue, n'est fondée sur rien de compréhensible, et ne donne pas l'ombre d'un argument. Au contraire, la mort, elle, est claire et certaine. D'après Cioran, seul le mystère de la vie est une raison de vivre. On peut accuser Cioran d'avoir pris dans ses écrits une « pose » de désespoir, mais il semble avoir été profondément et sincèrement triste de n'avoir pu établir de système qui donnerait un sens à sa vie, alors même que dans sa jeunesse il avait été extrêmement passionné... mais dans l'erreur (cf. les Cimes du désespoir). Le cheminement littéraire de Cioran et son trajet spirituel ont, semble-t-il, trois points de repère majeurs (selon Liliana Nicorescu) : « la tentation d'exister », la tentation d'être Roumain, et la tentation d'être juif. Ni sa roumanité réfutée ni sa judéité manquée ne pouvaient lui offrir la moindre consolation pour l'humiliation, pour « l'inconvénient d'être né ». Le salut par l'esthétique Confronté à la pensée de la lucidité, au reniement permanent, Cioran trouve un sursis dans la voie esthétique. Il reprend clairement le thème de l'illusion vitale (Nietzsche). L'attention au style de son écriture, le goût prononcé pour la prose et les aphorismes deviennent, par exemple, des moteurs assurant sa vitalité. Il s'éloigne des idées, perdant parfois son lecteur, ou plutôt l'obligeant à ne pas tout comprendre. La poésie devient autant un moyen de traduire sa pensée qu'un remède temporaire face à la lucidité. « Elle a ? comme la vie ? l'excuse de ne rien prouver. » Tentative qu'il juge honteuse, trop vivifiante, détestable parfois, Cioran s'y laisse pourtant conduire. Il accepte ce paradoxe de sa pensée, comme d'autres. Lucide, il perçoit aussi l'imposture du nihiliste qui est encore vivant : « Exister équivaut à un acte de foi, à une protestation contre la vérité ». Si Cioran doit survivre aux vérités irrespirables, s'il est donc obligé de croire en quelque chose, il choisit délibérément l'art, l'illusion reine. Pour échapper à la mort et au vide, qu'il entrevoit autour de lui, comme une « porte de secours », il choisit l'écriture. Semblable à la figure moderne de l'artiste maudit, auteur peu lu et presque inconnu de son vivant ? malgré l'estime du milieu littéraire ? Cioran continuera inlassablement d'écrire. Sa philosophie est une « philosophie du voyeur », car, peut-être, esthétiquement salvatrice, selon la définition de Rossano Pecoraro dans La filosofia del voyeur. Estasi e Scritura in Emile Cioran. L'ascétisme parisien À Paris, Cioran vécut d'abord à l'hôtel Marignan, au 13 de la rue Du Sommerard, dans le 5e arrondissement. C'est dans le quartier latin et le quartier de La Sorbonne qu'il va rester jusqu'à sa mort. Dans ses écrits, il relate ses longues nuits de solitude et d'insomnies, dans de minuscules chambres d'hôtel et ses déambulations dans la nuit. Puis plus tard, ses chambres de bonne, unique tour d'ivoire pendant de longues années. Il reste pauvre, décidé à « ne jamais travailler autrement que la plume à la main ». Alors il se promène simplement au jardin du Luxembourg. Il bénéficie parfois de l'aide matérielle de rares amis, mais prend ses repas au restaurant universitaire, dont l'exclusion vers l'âge de 40 ans est l'un des moments les plus tragiques de son existence. Ces détails sur son quotidien traversent son ?uvre et son discours. Mais Cioran n'explore nullement l'aspect sordide dans cette condition. Il décrit simplement une sorte de cheminement ou de combat, qui s'établit autant dans ses écrits que dans son existence : un « état d'esprit ». Pour Cioran, il ne s'agit plus seulement de savoir ? à l'identique du professeur d'université ? mais surtout de sentir. Dans la solitude, le dénuement matériel et son retrait des divertissements modernes s'établit alors une démarche philosophique ? spirituelle ? comparable aux ascétismes prônés par le bouddhisme[6], les Cyniques ou Diogène de Sinope[7]. Le mythe Cioran Si Cioran vécut véritablement la plus grande partie de son existence modestement, cet autoportrait de solitaire et désespéré qu'il dresse dans ses livres ne correspond pas entièrement à l'écrivain ; c'est plutôt là le mythe Cioran, le personnage des livres. Mais parler de « pose » dans le désespoir serait inexact. Cioran cherche la sincérité dans ses textes, c?est-à-dire l'adéquation de son discours avec son existence, et critique vivement les auteurs de discours moralistes menant par ailleurs une existence immorale, tels ces membres du PCF parisien qui prônent la « dictature du prolétariat » mais vivent très bourgeoisement et défendent bec et ongles leurs propriétés intellectuelles ou matérielles. Il dira ne vouloir garder secrète que sa vie privée : sa vie amoureuse, la part heureuse et optimiste de son existence. Car « le bonheur n'est pas fait pour les livres », expliquait-il. Se tenant à l'écart du milieu universitaire et littéraire parisien, il eut néanmoins quelques amis intimes avec qui il aimait converser : Mircea Eliade, Eugène Ionesco, Samuel Beckett, Constantin Tacou, Fernando Savater, Gabriel Matzneff, Frédérick Tristan, Roland Jaccard, Vincent La Soudière. Sur les cimes du désespoir - Le Livre des leurres - Des larmes et des saints - Le Crépuscule des pensées - Bréviaire des vaincus - Précis de décomposition - Syllogismes de l'amertume - La Tentation d'exister - Histoire et utopie - La Chute dans le temps - Le Mauvais Démiurge - De l'inconvénient d'être né - Écartèlement - Exercices d'admiration - Aveux et anathèmes - Glossaire [1995]. Les cinq premières ?uvres sont traduites du roumain par Thomas Bazin, Christiane Frémont, Grazyna Klewek, Alain Paruit, Mirella Patureau-Nedelco, Sanda Stolojan et André Vornic . |
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